AZF 18 ans après

C'était il y a 18 ans. Jour pour jour. Bon sang.
Aucun toulousain n'oubliera ce jour. Jamais.
J'y pense chaque fois que je passe sur ce bout de rocade.
Chaque fois que j'entends une détonation aussi.
C'est que ça imprime son souvenir, une usine qui explose à 10h du matin.
Une belle journée commençait.
Un grand soleil de fin d'été, un ciel sans nuage.
J'étais toulousaine depuis 10 jours et je commençais ma première journée de travail en intérim dans une clinique. Voilà, kiffe ton bonheur d'être soignant diplômé depuis moins d'un an quand le chaos frappe à ta porte.
J'allume une clope en salle de pause.
BOUM
Je me lève d'un coup
BOUM
Certaine que la clinique avait sauté. Que j'allais ouvrir la porte sur le vide.
Sortir. Comprendre.
Personne n'est blessé.
Tout à bougé, les blocs sont dans le noir, mais ici, tout va bien.
Jusqu'ici, tout va bien.
A part que les vitres ont volé un peu partout.
On attend. Les consignes, les infos, on attend.
On essaie de téléphoner aussi. Rien ne passe.
Ne pas laisser l'angoisse t'envahir, ça sert à rien.
Rien ne bouge. Rien.
On organise les services.
Qui va accueillir les urgences, qui va gérer le service.
Je suis intérimaire, je vais où on me dit d'aller.
11h. Plus une voiture dans les rues. Rien.
Rien que des gens à pied, chaussés ou non, la gueule en sang. LA GUEULE EN SANG BORDEL.
A Toulouse, là, chez-moi.
Laissez-moi regarder votre cou sous votre main. Ok. Je vous pose une perfusion, le médecin va arriver. Ne vous inquiétez pas tout va bien on s'occupe de vous (et de ta carotide qui bat à ciel ouvert bordel)
Ohhhhhh comme vous avez de beaux cheveux!
2h. A la pince. À enlever chaque micro bout de verre qui parcelle sa grande et belle chevelure bouclée et tout son corps.
Tout est calme. Tout le monde est calme.
Pas de cri, pas de panique, seulement des larmes silencieuses.
Le chaos par terre, on ne trouvait pas les poubelles, alors on met tout par terre, on nettoiera après.
13h. La salle kiné qui sert d'urgences dans cette clinique qui n'en a pas se vide.
On va aider dans la salle polyvalente qui porte bien son nom: aux murs une expo, au sol des matelas, des blessés, et tout autour des soignants.
Je ne sais plus à quelle heure a fini cette journée.
Je ne sais plus au bout de combien de temps j'ai enfin réussi à joindre mon amoureux qui n'était absolument au courant de rien.
Je ne sais plus quand j'ai eu Maman qui m'a dit de surtout bien fermer les fenêtres à cause du nuage toxique (mais ya plus de fenêtres maman...)
Je ne sais plus le temps. Je ne sais plus les gens. Je ne sais que où et quand. Le comment et le pourquoi m'échappent encore.
21 septembre 2001. AZF. 31 morts, 2500 blessés, et des centaines de soignants marqués à jamais.

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