Rencontre de train

Le jeune s'assied en face de moi dans le TGV. Gamin 18 ans à peine, petit bermuda, petite mèche de côté BCBG. Le gamin a envie de parler. Par d'écouteurs vissés à l'oreille. Il tranche avec les jeunes habituels. D'un bel accent chantant, il demande si sa carte est bien valable dans ce train. Aouch j'en sais rien, ya pas marqué fille de cheminot si? Enfin nous sommes dans un TGV, il me semble donc qu'il lui manque sa résa... Je lui suggère de demander directement au contrôleur, il ne préfère pas... Le contrôle dira que j'avais raison, mais le contrôleur est sympa, il ne verbalisera pas !
Le jeune trouve que nos trains sont vraiment trop compliqués. Ah vous n'êtes pas français ? Non, enfin si, mais non: je suis CORSE. Le torse bombé, les yeux qui brillent...
Je fais mes études à Sète. C'est nul, je me retrouve dans un bled paumé, moi qui espérait la grande ville, Paris... Pourtant c'est joli Sète...
Des études en quoi? Marine !
Ah ouai, la marine à Paris c'était pas gagné...
Vous connaissez la Corse?
Oui, nous avons fait le sud il y a quelques années...
Pouahhh c'est moches là bas, et ils se la pètent, ya que le nord, que Bastia, c'est le plus beau de la Corse.
J'avais bien aimé moi le sud...
Et pourquoi la marine? Pour travailler sur les ferries, c'est trop cool, t'es payé à rien faire!
Effectivement, c'est un rêve de carrière comme un autre, le rien...
Non mais franchement j'aime que la Corse, sur le continent ça va trop vite, c'est trop cher, trop compliqué, les gens sont stressés, pas sympa...
Je lui parle Bretagne... Ah bon il ne pleut pas tout le temps ? Ahhhhhh je suis rassuré, je dois y faire un stage bientôt... Merdouille si c'est à Brest je lui ai vendu du rêve là...
Mais vous, vous aimez la Bretagne et vous ne voudriez pas ne jamais la quitter?
Alors je lui explique. L'importance de l'ancrage, mais le plaisir du voyage, de la découverte, de vivre autre chose, de découvrir d'autres paysages, rencontrer d'autres gens, d'autres habitudes, d'autres cultures même (oui, entre la Corse et le continent c'est un choc culturel)... L'ouverture d'esprit... Cela s'appelle grandir...
Sète. Il est arrivé.
Purée. J'ai 40 ans...

Commentaires

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Metaphore

A droite le paysage est industriel, pollué, moche. A gauche la mer, la lande, les oiseaux. Entre les deux un train, un livre, une musique. Avancer à reculons, dos au sens de la marche. Gauche ou droite, l'humeur est versatile. Les deux possibilités sont là, le moche et le beau, tout n'est que choix. Où se porte le regard? Vers cette laideur de l'homme? Vers cette beauté de la nature? Vers ces autres partageant le voyage masqué vers ailleurs? Rien n'est choix, embarquée dans ce voyage imposé, à une place imposée, avec des compagnons imposés, dans un sens imposé, à reculons aujourd'hui, soit. Ce n'est probablement pas anodin. Tout est choix, se lever, aller ailleurs même si ce n'est pas ma place. Je peux choisir de ne pas respecter l'ordre imposé. Sans grand risque d'ailleurs, autre que d'être délogée à la prochaine gare, et de devoir choisir une autre place, ou revenir à la mienne. Mes compagnons de voyage sont imposés, mais je peux choisir. De le...
Lire la suite

Face à la mer

Il était là, assis sur un banc, posé, face à la mer. Il laissait passer ses pensées au gré des vagues, au gré du vent. Il revoyait, un léger sourire aux lèvres, ses rêves d'enfant, ses vagabondages, ses balades en forêt, chaque souche soulevée, chaque feuille ramassée. Il revoyait, sourcils froncés, ses vaines révoltes adolescentes qui, malgré tout, l'avaient forgé, endurcit, élevé, vers ce qu'il était aujourd'hui. Il revoyait, nostalgique, son entrée dans l'âge adulte, la fo ugue de ses vingt ans, ses rêves, ceux accomplis, ceux renoncés. Il revoyait sa vie d'adulte déterminé, doutant parfois de lui, mais jamais des convictions qui l'animaient. Il revoyait ses enfants arriver, grandir, parcourir leur chemin, et lui devant enlevant autant que possible les pierres pour que jamais ils ne trébuchent, sachant bien pourtant que ce sont les chutes qui feront d'eux les adultes solides qu'ils seront. Il pensait à la suite, un doux rayon de soleil sur ...
Lire la suite

Le jour où j'ai rencontré ma soeur (la grande petite)

La première fois, je ne m'en souviens pas, j'avais 2 ans selon moi (le syndicat), 18 mois selon elle (la police) et donc 20 mois pour de vrai. Les fois suivantes étaient des rencontres quotidiennes souvent musclées (surtout quand elle me piquait mes fringues) mais tendres aussi (elle était pénible la môme à ressorts mais pas touche, c'est ma sœur). Et puis il y a 20 ans. Un trajet en train. Dis, tu t'en souviens? Nos rires résonnent encore je pense dans les oreilles des voyageurs (les pauvres) de la voiture13 Tours-Lorient. 4 heures de trajet vers nos parents, échoués en Bretagne depuis peu. 4 heures non stop de rire et d'anecdotes. Parce qu'elle fait sa belle Annabelle. Et quand elle fait sa maline elle tombe dans la ravine. 14 ans, le beau garçon du collège qui lui plaît bien lui dit qu'il la trouve fort jolie, dommage qu'elle ait un peu de moustache. Le lendemain il la croise de nouveau: "Mais... Tu t'es rasée ???" BIM la môme ...
Lire la suite